Corrigé du quiz de droit des obligations n°1

Les bonnes réponses apparaissent en gras.

 

1/ En août 2016, François a vendu l‘intégralité de ses parts à la société LawEquity. La question de la validité de cette cession n’est pas soumise aux nouvelles dispositions issues de la réforme du droit des obligations.

a/ Vrai

b/ Faux

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L’article 9 de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (non codifié) prévoit que :

« Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ».

En l’espèce, le contrat étant conclu antérieurement au 1er octobre 2016, les dispositions de l’ordonnance réformant les dispositions du code civil relatives aux obligations ne sont pas applicables au contrat de cession.

 

2/ François s’est engagé à l’égard de LawEquity à obtenir « dans les meilleurs délais » que son frère Antoine lui cède ses propres actions de la société dans laquelle il est associé.

Il s’agit :

a/ D’une promesse unilatérale de vente

b/ D’une lettre d’intention

c/ D’un engagement de porte-fort

d/ D’un acte unilatéral sans effet juridique

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a. Promesse de vente ?

Notion

La promesse unilatérale est définie à l’article 1124 du code civil comme « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ».

La promesse unilatérale de vente, est donc le contrat par lequel le promettant accorde au bénéficiaire le droit d’opter pour l’acquisition d’un bien.

Application à l’espèce

Ici, l’engagement ne provient pas du propriétaire du bien dont la vente est envisagée (en l’occurrence ici les actions, dont Antoine est propriétaire). L’engagement émane du frère d’Antoine, François, qui n’est pas propriétaire desdites actions.

Dès lors, il ne peut s’agir d’une promesse unilatérale de vente.

 

b. Lettre d’intention ?

Attention

L’expression « lettre d’intention » est employée parfois, à tort, dans un sens trop générique, pour évoquer l’« intention » d’une personne de faire ou ne pas faire quelque chose.

En réalité, la lettre d’intention renvoie à une notion juridique très particulière.

Notion

Il s’agit d’une sûreté. Comme le démontre l’emplacement des dispositions du code civil mentionnant la lettre d’intention.

L’article 2322 du code civil la définit comme « l’engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier ».

Il s’agit donc d’une sûreté personnelle.

Les autres sûretés personnelles sont le cautionnement et la garantie autonome.

 

d. Acte unilatéral sans effet juridique ?

Non !

Cette réponse aurait pu être exacte si le code civil ne prévoyait pas de définition correspondant à ce type d’engagement.

Or cet engagement correspond précisément à l’engagement de porte-fort, comme il sera démontré ci-après.

 

c. Engagement de porte-fort ?

Oui.

Il s’agit précisément d’un engagement qui correspond tout à fait à la définition de l’engagement de de porte-fort, tel qu’il est défini à l’article 1204 du code civil (« On peut se porter fort en promettant le fait d’un tiers »).

 

3/ S’agissant de la cession des titres de François à la société LawEquity, cette dernière est très préoccupée, car au regard des derniers documents comptables établis, les bénéfices n’ont pas du tout été ceux escomptés. Peut-elle invoquer cet élément pour engager une action contre François ?

a/ Absolument ! l’erreur sur la valeur est une cause de nullité.

b/ Non, l’erreur sur la valeur, ou sur la rentabilité ne sont pas des causes de nullité.

c/ Ça n’est pas évident …

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Effectivement, l’article 1136 du code civil prévoit que « l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité ».

Ce qui exclut la réponse a.

Néanmoins, la réponse b. est beaucoup trop « tranchée ».

En effet, il faut savoir que la Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’affirmer qu’un contrat pouvait être nul au regard de l’erreur sur la rentabilité économique.

L’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 octobre 2011 fut le point de départ de l’admission de l’erreur substantielle sur la rentabilité économique comme cause de nullité du contrat de franchise (Cass., Com., 4 octobre 2011, n°10-20.956).

Ainsi, dans une affaire qui a donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation en date du 4 octobre 2011, constatant que ses résultats sont très inférieurs aux prévisions transmises par le franchiseur, le franchisé avait sollicité la nullité du contrat. La cour d’appel de Paris avait rejeté sa demande en retenant que les insuffisances ponctuelles dans la documentation remise par le franchiseur ne pouvaient être considérées comme un élément essentiel.

Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation en ces termes :

« Attendu qu’en se déterminant ainsi, après avoir constaté que les résultats de l’activité du franchisé s’étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire, sans rechercher si ces circonstances ne révélaient pas, même en l’absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » (Cass. Com., 4 octobre 2011, 10-20.956).

Par cette solution, la Cour de cassation semble (clairement) admettre l’erreur sur la rentabilité économique comme cause de nullité.

Cet arrêt a été très commenté. Certains ont dit qu’il s’agissait d’un arrêt « isolé », d’autres un « revirement de jurisprudence » ; d’autant plus que la Cour de cassation a par la suite réitéré cette solution, s’agissant de contrats de franchise (Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-19.047).

Néanmoins, force est de constater que ces décisions sont antérieures à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations, et de son nouvel article 1136 du code civil, qui exclut, expressément, l’erreur sur la valeur, à savoir « l’appréciation économique », notion très proche de celle de « rentabilité économique ». Cependant, la Cour de cassation n’a pas eu l’occasion de connaitre de rendre une décision concernant des affaires identiques ou similaires. La solution est donc incertaine … Et il n’aurait pas été inutile de rappeler l’état de la jurisprudence et les débats doctrinaux qui en découlent dans votre copie du CRFPA 2019.

Enfin et surtout, l’article 1139 du code civil prévoit désormais que « l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».

Ainsi, l’erreur sur la valeur, lorsqu’elle est provoquée par le dol du cocontractant, est une cause de nullité, quand bien même elle porterait sur la valeur de la prestation, donc a fortiori sur sa rentabilité économique.

La solution n’est donc pas évidente, et une réponse trop tranchée (a) ou (b) est très certainement fausse. Il faut donc choisir la (c).

 

4/ L’erreur peut entraîner la nullité du contrat lorsqu’elle revêt certaines caractéristiques. Parmi les caractéristiques énoncées ci-dessous, laquelle est incorrecte ?

a/ L’erreur doit être excusable

b/ L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie

c/ Pour pouvoir entraîner la nullité du contrat, l’erreur ne doit pas porter sur une qualité de la prestation revêtant un aléa

d/ L’erreur doit porter sur les qualités essentielles de la prestation due, et non sur les qualités essentielles du cocontractant

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a. L’erreur doit être excusable

Oui c’est juste,

L’article 1132 du code civil prévoit d’ailleurs que :

« L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat ».

Cette caractéristique permet d’éviter qu’une personne sollicite la nullité d’un contrat en invoquant une erreur « grossière », qu’elle n’a pas pu commettre ou qu’elle a commis par négligence ou manque de diligence.

 

b. L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie

Oui c’est juste,

Nous avons repris ici textuellement l’alinéa 2 de l’article 1133 du code civil.

 

c. Pour pouvoir entraîner la nullité du contrat, l’erreur ne doit pas porter sur une qualité de la prestation revêtant un aléa

Oui c’est juste,

Là encore, nous avons repris l’alinéa 3 de l’article 1133 du code civil qui dispose que « l’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité ».

 

d. L’erreur doit porter sur les qualités essentielles de la prestation due, et non sur les qualités essentielles du cocontractant

C’est faux !

L’erreur peut également porter sur les qualités essentielles du cocontractant.

Exemple : un candidat qui lors de l’entretien d’embauche, ment sur sa formation professionnelle en ajoutant des diplômes qu’il n’a jamais obtenus. Même s’il s’agira plutôt ici d’un dol, on peut également parler ici d’erreur volontairement induite par le salarié.

Les qualités essentielles du cocontractant peuvent donc, dans certains contrats, revêtir un caractère déterminant dans le consentement de l’une des parties, et à ce titre, être invoquées à l’appui d’une demande de nullité pour erreur. D’ailleurs, l’article 1134 du code civil prévoit que l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. On les appelle : les contrats conclus inuitu personae

 

5/ Parmi ces contrats, lequel peut-on considéré comme n’étant pas conclu intuitu persoanae ?

a/ Un contrat de travail

b/ Un contrat de franchise

c/ Un contrat à exécution successive

d/ Un contrat de vente immobilière

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Seul le contrat de vente immobilière. En effet, vous ne pourrez (en principe), invoquer une erreur sur les qualités du vendeur (exemple : je pensais qu’il était médecin, alors qu’en fait il est artisan glacier), pour solliciter la nullité de la vente.

Pour tous les autres, les qualités du cocontractant apparaissent essentielles, et peuvent constituer un motif légitime à une demande de nullité pour erreur.

Exemples :

  • L’employeur croyait que le candidat au poste avait réussi l’examen du crfpa ; en réalité il n’a pas été admis.
  • Le candidat franchisé pensait que le franchiseur avait exerçait l’activité et testé son concept durant plusieurs années ; en réalité il n’avait même pas de site pilote.
  • Le contrat a exécution successive peut être un contrat de franchise. C’est un contrat qui s’exécute dans la durée, à l’inverse d’un contrat instantané (tel qu’un contrat de vente de bien meuble ou immeuble).

 

6/ Le caractère excusable ou inexcusable de l’erreur s’apprécie :

a/ In concreto

b/ In abstracto

c/ La réponse de savoir s’il s’agit d’un contrat conclu intuitu personae

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Le caractère inexcusable ou excusable de l’erreur est apprécié in concreto, c’est-à-dire en fonction des qualités d’une personne, physique ou morale.

Par exemple, le caractère inexcusable de l’erreur sera apprécié différemment selon que l’erreur est invoquée par :

  • une personne physique non professionnelle,
  • une professionnel du secteur concernant le contrat dont il est sollicité la nullité pour erreur.

A titre d’illustration, dans une affaire relativement récente ayant donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation, une personne avait vendu à une société civile immobilière un appartement d’une superficie de 13,49 mètres carrés, alors loué à un tiers.

Il s’avère que quelques mois plus tard, le service communal d’hygiène et de santé a informé la SCI qu’à la suite de sa visite des lieux, il avait été constaté que la pièce principale était d’une superficie inférieure à 9 mètres carrés, ce qui était contraire à la réglementation en vigueur, et lui a enjoint de faire cesser sans délai toute occupation de ce local.

La SCI a alors sollicité la nullité du contrat pour erreur.

Le vendeur a alors soutenu devant la cour d’appel que l’erreur invoqué était inexcusable pour une société dont l’objet social est « l’acquisition, la location, l’édification, l’exploitation et la gestion ainsi que la cession éventuelle de tous immeubles, biens et droits immobiliers ».

Finalement, la Cour de cassation a considéré que la SCI « n’avait pas la qualité de professionnel de l’immobilier et que son erreur sur cette qualité essentielle du logement était excusable » (voir Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 3 mai 2018, 17-11.132 17-14.090, Publié au bulletin).

 

7/ Invoquer l’erreur permet de solliciter la nullité du contrat. L’erreur peut également être invoquée au soutien d’une action indemnitaire (dommages et intérêts).

a/ Vrai

b/ Faux

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Cette question est délicate.

En effet, l’erreur n’est évoquée au sein du code civil que relativement aux causes de nullité d’un contrat.

Néanmoins, on sait que s’agissant d’un dol, une action indemnitaire est envisageable (en sus ou à la place de la nullité), mais il s’agira ici d’une action fondée sur la responsabilité extracontractuelle, (en réalité précontractuelle), édictée par les articles 1240 et 1241 du code civil.

Cette question est donc délicate car l’erreur est très souvent « provoquée » par les agissements du cocontractant, et donc souvent invoquée concomitamment au dol.

 

8/ Pour qu’il y ait « dol » au sens des dispositions du code civil, il faut démontrer l’intention de tromper le cocontractant.

a/ Vrai

b/ Faux, il suffit de démontrer des « manœuvres dolosives »

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Oui, l’élément intentionnel est une condition du dol, et ce depuis une jurisprudence constante, non perturbée par l’entrée en vigueur de l’ordonnance réformant le droit des obligations.

La deuxième réponse est fausse :

  • Il faut démontrer l’élément intentionnel de la part de l’auteur du dol
  • Il peut s’agir, de « mensonges » (l’article 1137 du code civil distingue d’ailleurs « manœuvres dolosives ou mensonges »), et mêmes d’une abstention : on parle de « réticence dolosive ». Ainsi, le fait, pour un contractant, de ne pas révéler à son cocontractant une information déterminante de son consentement, et qu’il savait essentielle (élément intentionnel) constitue un dol.

 

9/ Le dol n’est une cause de nullité…

a/ … seulement s’il émane de l’un des contractants,

b/ … également lorsqu’il émane d’un tiers au contrat

c/ La solution précitée dépend de savoir si le contrat est antérieur ou postérieur à l’entrée en vigueur de l’ordonnance portant réforme du droit des obligations

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En effet, l’alinéa 2 de l’article 1138 du code civil prévoit expressément, au sujet du dol, qu’ « il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence ».

Dire que la solution dépend de savoir si le contrat est antérieur ou postérieur à l’entrée en vigueur de l’ordonnance portant réforme du droit des obligations n’est pas exact.

Certes, l’article 1138 est venu « changer la donne » en prévoyant explicitement que le dol peut provenir d’un tiens au contrat, « de connivence », c’est-à-dire « de connivence » avec l’un des cocontractants. Mais la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance considérait déjà que le dol était une cause de nullité lorsqu’il provenait d’un tiers sciemment coupable (complice). On peut même parler en ce sens, de la consécration légale d’une solution jurisprudentielle.

 

10/ Parmi ces phrases, laquelle est correcte :

a/ La réforme du droit des obligations a consacré la dichotomie entre obligation de moyens et obligation de résultat

b/ La réforme du droit des obligations n’évoque pas la dichotomie entre obligation de moyens et obligation de résultat, mais cette dichotomie est souvent utilisée par les juridictions pour qualifier une obligation

c/ La réforme du droit des obligations met fin à la dichotomie entre obligation de moyens et obligation de résultat

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Même si la distinction obligation de moyen / obligation de résultat ne figure pas dans les règles du code civil, il s’agit d’une pratique prétorienne qui semble avoir survécu à la réforme du droit des obligations.